Devons-nous parler d’habitat inclusif ou d’inclusion par l’habitat ? C’est en novembre 2017 que le Ministère des Solidarités et de la Santé s’empare de la question. Des actions nationales voient le jour, un regard attentif est porté sur nos voisins européens qui proposent également de nouvelles formes d’habiter pour les aînés. Cela donnera lieu 1 an plus tard à la définition de cette notion d’habitat inclusif, avec la loi ELAN puis à l’écriture du rapport Piveteau et Wolfrom de 2020.
Mais concrètement, en quoi et comment cette nouvelle forme d’habitat fait de l’habitant un acteur de sa vie, de sa manière d’habiter ?
Une situation démographique galopante
La situation démographique de la population française n’est plus à démontrer : nous le savons, la population française vieillit et de plus en plus longtemps. 1 personne sur 3 sera âgée de 60 ans et plus d’ici 2050, les besoins sont identifiés, il n’est plus nécessaire de le faire… Enfin si, et c’est peut-être là que nous jouons notre rôle : partir des usages des seniors d’aujourd’hui et de demain pour assurer la concordance entre espoir et réalité, afin d’habiter sa vie.
Depuis quelques années en France, quelle que soit la dénomination utilisée, les nouvelles formes d’habiter continuent de se développer sous une forme intergénérationnelle ou réservée à un public fragilisé, telles que les personnes âgées avec les béguinages. Ils constituent ainsi une offre de logements dits intermédiaires entre le domicile classique et l’institution, que l’on peut juxtaposer au terme d’habitat inclusif. L’objectif donné à celui-ci est d’avant tout permettre à ses habitants de vivre dans un logement adapté à leurs besoins, en proximité d’un voisinage en recherche d’interactions et de projets communs, au sein d’une commune soucieuse de répondre par ses services et partenariats, au bien-vieillir de sa population.
Des habitants acteur et auteur de leur projet de vie
Associer les potentiels futurs habitants dès le début de la réflexion, c’est les mettre au cœur de la démarche, c’est leur donner la possibilité de s’exprimer individuellement et ainsi d’assurer au projet collectif d’être inclusif.
Avant même que le projet de construction soit assuré, il est essentiel pour Béguinage et Compagnie d’aller recueillir la parole des futurs occupants de ces habitats groupés. Nous prenons ainsi le temps avec les futurs locataires de l’habitat groupé pour co-construire le projet social, et développer les relations entre les locataires et les parties prenantes (quartier, commune, associations, professionnels…). La finalité de notre intervention est avant tout de redonner aux séniors leurs places d’acteurs mais surtout d’auteurs de leurs vies et de leurs choix. C’est en cela que le projet est inclusif !
Pour que ce mode d’habitat donne pleinement satisfaction, des conditions sont nécessaires. Il s’agit notamment de la taille du groupe, de la diversité des âges, mais également de la conception et de la gestion des espaces communs et des activités. Pour ce faire, il apparait nécessaire de bien définir le projet d’habitat en fonction du profil des habitants. Il faut donc « accompagner l’ « habiter » et co-construire le projet. Cela ne se résume pas aux seules notions de murs, d’un toit, du logement… ». Une attention particulière doit aussi être portée sur la communication interne aux locataires. En effet, cela conditionne la participation de chacun à la vie commune.
L’Assistance à Maitrise d’Usage – AMU
Une fois le projet réellement lancé, les habitants, souvent encore surpris par notre démarche, commencent à écrire leurs souhaits, timidement, puis très vite un vrai dialogue s’installe entre les futurs habitants. Les échanges, importants aussi bien en quantité qu’en qualité, permettent de mieux comprendre les attentes des uns et des autres, mais aussi les freins qui pourraient nuire à la vie dans le béguinage. La production aide le groupe à concrétiser ses idées, à les conceptualiser… À partir d’un projet architectural et son environnement, tout en tenant compte des besoins individuels, le souhait d’indépendance mais également d’interrelations, l’ébauche trouve une réponse ajustée : des logements en proximité mais indépendants, un espace partagé, des projets communs co-construits.
L’expérience faite, les premiers retours des habitants sont souvent très concluants… En favorisant l’engagement relationnel, c’est l’isolement des habitants qui est évité, une situation trop souvent associée à l’avancée en âge. La proximité des voisins solidaires et bienveillants réduit considérablement le sentiment d’insécurité chez certaines personnes. De nouveaux projets individuels ou collectifs émergent et donne un goût particulier à la vie : celui d’avoir envie de vieillir pour continuer à écrire son histoire de vie !
Un enjeu de société majeur
Mais nous le savons, l’essaimage de ces projets ne se suffit pas à lui-même, tant que l’accompagnement n’est pas réel et efficient. La prise de conscience des enjeux du vieillissement a permis une évolution des mentalités, des discours et des actions, remettant au centre des préoccupations territoriales la participation citoyenne de tous. Pour autant, de nombreux freins subsistent et mettent parfois en péril les projets. L’expérience de Béguinage et Compagnie, depuis 2015, montre en effet la fragilité des porteurs de projet à aller jusqu’au bout de la démarche inclusive, notamment avec les nouvelles règles en vigueur et une temporalité toujours trop longue : il faut compter en moyenne 4 à 5 ans pour qu’un projet immobilier de ce type voit le jour. Au-delà du bâti, l’accompagnement social des habitants demande une connaissance du public, mais aussi une capacité d’écoute et d’animation, sans oublier le temps nécessaire pour concrétiser le tout.
Un territoire qui s’inscrit dans une démarche inclusive, c’est un territoire attentif à l’ensemble de ses citoyens, y compris de ses habitants âgés. En s’intéressant aux aînés de nos territoires, urbains comme ruraux, c’est entendre et comprendre leurs usages. Accorder une place aux seniors dans ces instances de réflexion, c’est reconnaitre leur utilité sociale, mais également leur engagement dans la vie de la cité. En coopérant avec ces habitants anciens, c’est assurer l’intelligence collective au bénéfice de tous !
En conclusion…
Il est donc important de mettre l’accent sur l’accompagnement de ces nouvelles manières d’habiter. En tenant compte de la pluralité des profils d’habitants et de leurs besoins, Béguinage et Compagnie prend le temps d’écouter leurs attentes, leurs aspirations, et d’imaginer le vivre ensemble auquel ils aspirent, mais également dans lequel ils s’engagent.
Accorder une place à cette ingénierie de projet, au-delà d’avoir une influence considérable sur la réussite et la pérennité des habitats groupés, c’est permettre de faire évoluer nos façons de penser et d’agir pour « habiter », en restant centré sur l’« habitant », dans sa dimension individuelle et relationnelle !
Jean-François Trochon, Fondateur de Béguinage & Compagnie